Née en 1927, Barbara Dane grandit à Detroit. Tout droit venue de l’Arkansas, sa famille y tient un
modeste drugstore dans lequel, encore jeune, elle s’occupe de faire le service. Dans une des villes du nord
les plus marquées par la ségrégation raciale, le quartier est entièrement blanc. «Mon père avait bon fond, racontet-elle, mais il avait été élevé avec les préjugés racistes. Un jour est entré dans notre drugstore un jeune homme noir, qui travaillait dehors, sous une chaleur accablante. C’était un de ces ouvriers du bâtiment employé dans le cadre du WPA de Roosevelt (1) – et ça me fait d’ailleurs penser qu’on aurait bien besoin aujourd’hui de quelque chose comme ça. Il a demandé un coca. Il était très nerveux, mais il avait très soif et je lui ai proposé de s’asseoir. C’est alors que mon père s’est précipité du fond de son labo en hurlant : “Foutez
vite le camp ! Ne revenez jamais !” Il a mis le gars à la porte et a entrepris de m’expliquer pourquoi ça aurait pu nuire à notre commerce. » Barbara, qui depuis ce jour n’a plus jamais bu une goutte de coca-cola, prend alors conscience du racisme et des non-dits qui font la vie quotidienne des Américains. « J’ai compris que non seulement mon père avait insulté cet homme, mais qu’il m’insultait moi aussi. Depuis ce jour, c’est comme si j’avais gardé cet homme en moi. Le regard que je me suis mise à porter sur la vie avait définitivement intégré son point de vue. » Click here to read full article